Cambodge Soir, 26 Juillet 2000

Des livres illustrés en khmer pour briser
le cycle de la non-lecture

LaureEspieu
 

 

Abécédaire illustré

Publier des ouvrages en langue khmère : une idée saugrenue? Pas tant que ça. Après deux ans d'existence, la toute jeune maison d'éditions Reyum sortait de ses ateliers voilà un mois trois jolis livres illustrés, tirés à quatre mille exemplaires et destinés à un public enfantin. Mais surtout, rédigés en cambodgien. "Les ONG ont déjà tenté l'expérience depuis longtemps", affirme Ly Daravuth, le directeur, "mais pour une entreprise locale c'est un objectif risqué et difficile à atteindre".

Et pour cause, au pays de la photocopie sauvage, les auteurs n'ont pas beaucoup de droits. Les coûts de fabrication, inadaptés aux moyens du grand public, sont aussi largement dissuasifs et entraînent une distribution qui se fait presque à perte. Mais Ly Daravuth n'est pas homme à se laisser impressionner par cette absence de dynamique. "Aujourd'hui, il existe une minorité qui peut acheter des livres. Il faut parier, c'est la seule façon de briser le cercle vicieux, car évidement, s'il n'y a pas de livres, les gens ne lisent pas."

 

Le renard et le poulet de la forêt

Tout reste donc à créer, en amont comme en aval, pour que le pays renoue avec ce mode de transmission essentiel. Dans les années soixante, un premier élan avait vu le jour dans ce sens. Quelques maisons d'édition émergeaient alors, venant compléter les productions de l'Institut Bouddhique. Mais, stoppée dans son élan cette volonté n'a pas été, jusqu'à aujourd'hui, exploitée. "Le processus de reconstruction, pourtant, ne peut se faire sans le transfert des connaissances par la lecture et l'écriture", souligne Daravuth. "De plus, si un effort n'est pas fait dans ce sens, s'alarme-t-il, les langues étrangères qui prennent de plus en plus de place dans la société cambodgienne cesseront d'être des langues étrangères et tendront à se substituer au khmer." Une lourde perte, si l'on considère tout ce que la langue khmère véhicule de caractères qui lui sout propres.

L'objectif est donc de réintroduire son utilisation, autour de trois pôles : la production éducative, la production littéraire et la traduction adaptée. Une façon aussi d'encourager les auteurs à aller de l'avant. Malheureusement, si pour tout ce qui touche à la petite enfance, aides privées et dons de fondations ne manquent pas, l'essor littéraire est quant à lui nettement moins encouragé.
Qu'à cela ne tienne, pour Ly Daravuth l'important est ailleurs : "Je ne sortirai peut-être qu'un livre tous les deux ans, mais j'aurai au moins la satisfaction de publier un produit fini."

Les Uvres seront disponibles à la galerie Reyum, rue 178, le mois prochain