Cambodge Soir
, Mercredi 25 Octobre, 2000

Long Sophea, la passion du batik en solo

Stéphanie Gé
 

Des mois et des années de travail, celui de Long Sophea, qui ont enfin trouvé le chemin de cimaises, celles de la galerie Reyum. Ce jeune professeur du département des arts plastiques de l'université royale des Beaux-arts, nourrit une passion plutôt originale au pays de la soie tissée : le batik. Seule femme à enseigner les arts picturaux en licence, cette artiste se démarque ainsi du paysage traditionnel depuis qu'elle a ramené de Russie ce savoir-faire dans ses bagages.

Après une formation au dessin traditionnel, Sophea a été retenue pour bénéficier d'une bourse d'études en Russie. Là, elle engrange les nouvelles techniques,notamment tout ce qui utilise un support textile, de la tapisserie à l'impression en passant par le tissage. Mais la révélation sera l'apprentissage du batik, ce procédé, propre à certains pays asiatiques, qui consiste à teindre un tissu en y ayant au préalable appliqué des réserves à la cire Les caches de cire ainsi déposées sur la surface joueront alors comme un négatif du motif. "C'est une technique très complexe et qui requiert une grande patience", explique Sophea, précisant qu'une toile lui demande de deux mois à deux ans de travail... "Au premier regard, on pense que c'est industriel, et de plus près, on réalise alors que la pièce de soie est une œuvre artisanale, réalisée entièrement à la main", s'étonne encore Ly Daravuth, qui, depuis longtemps déjà fasciné par les réalisations de Sophea, a enfin réussi à la convaincre d'exposer dans sa galerie.

L'artiste fait danser les couleurs sur la soie qui semblent être mues par la dynamique de courbes et autres lignes fuyantes. Parfois, derrière ces mosaïques d'un nouveau genre, se reconnaît quelque figure del'imagerie populaire. Le résultat est étonnaut et interpelle quand, ci et là, dans les galeries d'art situées derrière le Musée des Beaux-arts, ce sont plutôt les vues d'Angkor ou encore des scènes du quotidien croquées naïvement à l'huile qui foisonnent. Pourtant Sophea, sûrement la seule à posséder un tel savoir au royaume, décline toute volonté d'isoler ses performances, loin des traditions khmères.

"Je ne m'éloigne pas des traditions conservées ici. Il y a au Cambodge une grande tradition de la soie, mais tissée. Je ne fais qu'utiliser la soie comme un nouveau support de création", avance-t-elle. Car "si le produit final est décoratif, il est avant tout créatif, renchérit Daravuth. Transcender ce qui se fait ici depuis des générations, le faire évoluer, voilà ce que Sophea s'applique à faire A sa manière, dans son coin et en toute simplicité.

Car, depuis 1992, date de son retour de Russie, c'est en solo qu'elle poursuit son aventure dans l'univers du batik. Pour celle qui fait tout à la main depuis ses outils, le rêve serait de trouver des débouchés industriels à son art qu'elle ne peut enseigner qu'à l'extérieur de l'université à certains de ses élèves. "Je pourrais créer des motifs qui soient reproduits à grande échelle", se plaît à rêver l'artiste. Ouverte et résolument moderne, elle n'hésite pas à partager ses connaissances en attendant que son talent soit reconnu et que l'industrie textile du pays y voit un intérêt. Peut-être cette exposition servira-t-elle de détonateur...

Exposition-vente d'œuvres en batik de Long Sophea à la galerie Reyum, 47 rue 178. Vernissage aujourd'hui, de 17h00 à 22h00.